Suite (Georgia Brown),
oui, je sais...
Le Chevalier Ricoune ne tarda pas à arriver à Eauze, capitale de l'Armagnac, nectar béni des dieux où il restaura sa monture chez un manant nommé Leclerc et fit route vers Ayzieu, gigantesque métropole de trois-cents cinquante-deux âmes, les deux dernières étant celles de Marianne et Jean-François, aimables tenanciers du Relais du Cantau, célèbre pour ses soirées animées et ses génocides de palmipèdes. Après un café et quelques palabres concernant son hébergement possible le gromanche en soirée (le Chevalier ne pouvait en aucun cas parler de sa mission), il se dirigea vers le Comté du Béarn sans encombre notoire, à l'exception de trois lents charrois appelés « kampinkars », qu'il mit plus de dix lieues à dépasser vu leur encombrement démesuré, entre le village de Geaune (qu'il projeta de visiter au retour pour s'avaler un liquide de la même couleur) et la ville sainte de Hagetmau, fondée par les Chevaliers Teutoniques au septième siècle.
Il fit halte après Orthez pour avaler un frugal repas dont seuls les Chevaliers en itinérance connaissaient le secret, et fonça vers Donibane Garazi, où il devait retrouver le Chevalier Looping du Médoc dans une discrète auberge, le tout sous un ciel menaçant.
En milieu d'après-midi, il se posa en terrasse de l'estaminet et se rafraîchit d'une cervoise, sans quitter des yeux sa monture qui profitait d'un repos bien mérité, au milieu d'innombrables pélerins aux regards inquiets. Les rumeurs fusaient de toute part, et nombreuses étaient les compagnies de voyageurs qui avaient, disait-on, rencontré un sort funeste dans les sombres montagnes environnantes. Ainsi, l'on voyait dans le centre de Donibane des hordes qui erraient sans but, hésitant à se diriger vers les sentiers, et se parlant de leurs doutes mutuels à mots feutrés. Où que se posaient ses yeux, où que s'orientaient ses oreilles, le Chevalier Ricoune ne pouvait que le constater : la peur avait fondé son royaume.
Le Chevalier Looping arriva enfin, son légendaire sourire ne pouvant cacher la sombritude de son regard. « Je vous expliquerai au refuge, ici, le lieu n'est pas sûr, certaines oreilles indiscrètes pourraient bien traîner, si tu vois ce que je veux dire... ».
« Houlaaa ! », pensa dérechef Ricoune en gaëlique, « cette histoire pourrait bien tourner au jus de pneu, ma monture est toujours sellée et harnachée, prête à décamper... si je faisais dem
- STOP ! Je t'arrête tout de suite, même pas t'y penses ! Tu es ici, tu restes ici, et tu vas jusqu'au bout avec nous, quel qu'en soit le prix. L'affaire est trop grave, et tu as prêté serment, je te rappelle !
- Euh mais bien sûr, absolument, que vas tu chercher, je suis là, cela va de soi, je
- Bien, alors en route, on n'est pas arrivé et les nuages, enfin, tu risque de t'en prendre plein la quiche, vaut mieux pas traîner... ».
Arrivé à la monture du Chevalier Looping, Ricoune comprit la mise en garde le concernant face aux colères légendaires des dieux Matteo et Rhôloudji. Le Bax du Médoc avait voyagé en charroi, et serait donc abrité si les cieux crevaient, ce qui ne serait pas trop le cas du pauvre Chevalier d'Hystrenn Labhytt, cela bien sûr au détriment de sa moyenne horaire jamais très brillante en général. Cheminant derrière le charroi, par une faible visibilité due à un fin crachin, le gentil Chevalier Ricoune se perdait dans ses pensées. Pourquoi le charroi ? La logistique, bien sûr. Le Chevalier Looping était un organisateur hors-pair. Et ces gens terrifiés ? Et pourquoi tant de mystère ? Et pourquoi la pluie mouille ? Tant et si bien qu'il se retrouva arrivé au refuge sans s'en être rendu compte, après avoir cheminé par d'innombrables voies muletières s'évanouissant dans le gris nuage. Là les attendaient deux autres compagnons d'infortune, le Chevalier Guyohm et le Chevalier Banliou, qui venaient juste de prendre possession des lieux.
Et maintenant, quelques enluminures :
Le charroi du Chevalier Looping du Médoc.
Les Chevaliers, de gauche à droite : Guyohm, Looping et Banliou, avant le rituel de l'App Heir Rhôô, abrités dans le refuge de Phagalcette.
Bientôt, bientôt, la suite...